Trafic d’organes en Albanie : une vérité difficile à faire éclater au grand jour

Publié le par sceptix

extrait du "courrier des Balkans"
Voici un article que la presse française ignorera longtemps encore, tant Kouschner et ses amis sont puissants en matière de désinformation.
Traduit par Mandi Gueguen

Publié dans la presse : 6 mai 2009
Mise en ligne : vendredi 31 juillet 2009
Les allégations de trafic d’organes des Serbes du Kosovo lors de la guerre de 1998-1999, notamment mises en avant par Carla Del Ponte, suscitent toujours beaucoup d’interrogations et de polémiques. Les preuves sont-elles fiables ? Ne s’agit-il pas d’une manipulation ? Et, si le crime est avéré, qui en furent les commanditaires et les exécutants ? Le journaliste Altin Raxhimi, qui a enquêté sur les camps de prisonniers en Albanie, souligne le devoir et le besoin de vérité sur cette tragique affaire.
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Altin Raxhimi
Altin Raxhimi est un journaliste albanais indépendant, qui travaille principalement à Tirana. Il a écrit et travaillé pour plusieurs titres locaux, régionaux et internationaux dont Top Channel, Albanian Daily News, BIRN, Transition Online, Time, Newsweek, le Chicago Tribune et le New York Times.
Accompagné de son collègue Vladimir Karaj, il a voulu connaître la vérité sur les camps présumés de détention de l’Armée de Libération du Kosovo (UÇK) pendant le conflit de 1999. Il est un des auteurs du reportage qui dévoilé l’histoire des abus perpétrés dans les camps de détention secrets de l’UÇK en Albanie et au Kosovo.
Dans un de ces camps, situé dans la zone montagneuse de Kukës, selon les données recueillies par l’enquête, des dizaines de civils ont été détenus, surtout des Albanais du Kosovo accusés de collaboration, mais aussi des Serbes et des Rroms. Beaucoup de prisonniers auraient été battus et torturés et certains même tués.
L’enquête a été conduite par les journalistes Altin Raxhimi et Vladimir Karaj du quotidien Korrieri de Tirana, en étroite collaboration avec Michael Montgomery du Center for Investigative Reporting, qui en a tiré un documentaire radio diffusé sur les ondes de la BBC. Le reportage, publié sur Balkan Investigative Reporting Network (BIRN), a eu un écho important dans l’opinion publique kosovare (Lire nos articles « Albanie et Kosovo : les camps de la mort de l’UÇK » et « Trafic d0organes et « camps de la mort de l’UÇK » : les dessous de l’enquête »).
Osservatorio sui Balcani (Osb) : Quand avez-vous décidé de suivre l’histoire des camps de l’UÇK ? En aviez-vous entendu parler pendant le conflit de 1998-1999, alors que vous étiez reporter ?
Altin Raxhimi (AR) : Je l’ignorais totalement pendant la guerre au Kosovo. L’enquête a démarré en mai 2008, en raison de notre propre curiosité. Le dixième anniversaire du conflit approchait et il nous est paru intéressant d’aller voir de plus près pour comprendre les événements de l’époque. Nous étions partis sur une vision large des rapports entre l’Albanie et le Kosovo pendant l’escalade de violence qui mena à la guerre. Plus tard, pendant l’été 2008, nous avons été contactés par le BIRN pour développer le projet. Ensuite, a paru le livre de Carla Del Ponte, La chasse, moi et les criminels de guerre, accueilli par de vives réactions au Kosovo et en Albanie, dont les gouvernements respectifs ont qualifié les affirmations de Carla del Ponte de « pure invention », « propagande de Belgrade » etc. Cela a excité encore plus notre curiosité. Je pense que Tirana comme Pristina auraient mieux fait de s’engager dans une enquête sérieuse et, si cette=0 Adernière ne faisait rien apparaître, leur démenti aurait eu plus de sens. Malheureusement, ils ont été aveuglés par la vieille tendance balkanique à chercher des « forces obscures » et des « comploteurs » derrière les affirmations de la juge. Dans tous les cas, les accusations semblaient plutôt excentriques.
Osb : Quel a été l’impact des accusations que porte Carla Del Ponte dans son livre sur votre enquête ?
AR : Comme je le disais, son livre a incité notre curiosité, il a aussi influencé directement notre travail - à l’exception de son hypothèse de la disparition définitive de près de 400 Serbes du Kosovo qui auraient fini en Albanie. Pendant nos recherches, nous avons réuni beaucoup de preuves sur les activités de l’UÇK en Albanie sans jamais rencontrer d’indices étayant cette hypothèse. Aussi l’avons-nous éliminée de notre version finale de l’enquête. Nous avions déjà réuni des témoignages à Burrel, y compris sur les enquêtes conduites en 2004 par l’équipe de la Minuk et du TPI pour l’ex-Yougoslavie. Nous connaissions déjà leurs résultats et avons interrogé beaucoup d’experts sur la possibilité que des prélèvements d’organes aient pu être effectués dans une zone si pauvre et éloignée. Par ailleurs, des hy pothèses semblables avaient aussi circulé en Bosnie pendant la guerre. Nous n’avons pas cherché plus loin car, en l’absence de preuves concrètes, cela aurait contribué aux allégations en cours, surtout dans une certaine presse mal disposée, mais aussi dans les principaux quotidiens qui en parlent comme s’il s’agissait de faits avérés. J’espère que l’équipe d’enquête du Conseil de l’Europe réussira à tout mettre au clair sur cette question une fois pour toutes.
Osb : Votre enquête a été publiée quelques jours avant le dépôt de dossiers par le Kosovo et la Serbie devant la Cour internationale de Justice, qui devra se prononcer sur la légalité de la déclaration d’indépendance de Pristina. Pourquoi avoir choisi ce moment ?
AR : C’est une pure coïncidence. L’enquête voulait revenir sur le dixième anniversaire du conflit de 1999 et non sur l’affaire de la Cour internationale. Relier le reportage au travail de la Cour est insensé. Cette dernière ne se prononcera pas avant quelques années, d’autant qu’elle est bien plus occupée par le débat sur la légalité de l’indépendance proclamée par le Kosovo. Je doute donc que cette enquête nuise au Kosovo dans le jugement final. L’indépendance kosovare est le résultat de la volonté de la population et non des allégations sur les événements qui ont pu se passer à Kukës. D’un autre côté, les autorités de Pristina ont démenti que des figures importantes de l’UÇK aient eu vent de l’existence de camps de tortures. Nous avons découvert cependant que c’étaient justement ces personnes-là qui dirigeaient ces structures… C’est un fait que nous n’aurions pas affirmé s’il n’était pas fondé sur des témoignages réels.
Osb : Une grande partie de l’opinion publique kosovare a mal réagi à votre enquête. Beaucoup ont mis en doute vos sources. Qu’en dites-vous ?
AR : Je ne peux dévoiler l’identité des personnes qui ont consenties à nous raconter leur version des faits uniquement sous couvert d’anonymat. Nous avons décidé de publier l’enquête puisque nous avons remarqué que plusieurs témoignages ainsi que d’autres indices convergeaient vers les mêmes faits. Je sais que beaucoup de lecteurs du Kosovo n’ont pas apprécié le reportage, mais d’autres l’ont lu parce qu’il fait la lumière sur la présence de prisons de l’UÇK en Albanie. Sincèrement, je m’attendais à des réactions pires et j’ai été surpris par certains commentaires très positifs issus de la communauté albanophone.
Osb : Les militants des droits de la personne ont fortement critiqué le refus des institutions de Pristina de mener leur propre enquête sur les accusations de Carla Del Ponte sur les camps de l’UÇK et ses dirigeants militaires. Pensez-vous que la recherche de la vérité aurait été suffisante à satisfaire toutes les parties ?
AR : Je pense qu’elle aurait été souhaitable. Si les autorités s’étaient décidées à s’engager sérieusement dans une enquête efficace, je crois que beaucoup de personnes seraient disposées à tourner la page. La famille de Burrel, principale accusée, et toute la ville ont demandé une enquête pour mettre fin à leur calvaire. C’est un excellent exemple et j’adhère totalement à leur point de vue.
Osb : Est-il difficile pour un journaliste albanais d’écrire sur ce genre de sujets ?
AR : Bien sûr, oui. Je suis Albanais et reporter en même temps, tout comme mon collègue Vladimir Karaj. Je crois que tous les deux nous avons dû dépasser une certaine « lutte intérieure » pour mener cette enquête. D’autre part, on s’enferme facilement lorsque quelqu’un d’étranger critique notre pays ou les Albanais du Kosovo. C’est une des raisons pour lesquelles la presse albanaise a hésité à lancer une enquête sur le sujet. Je ne crois pas que ce soit une bonne attitude.
Osb : L’Eulex, la mission européenne au Kosovo, a déclaré qu’elle poursuivra son enquête sur les cas mis en évidence. Pourrez-vous aider des enquêtes légales futures ?
AR : Je suis journaliste, mon métier consiste à porter les faits à l’attention de l’opinion publique, par le biais des moyens de communication de masse, je ne travaille pas pour les organes de justice. Je ne saurais rien rajouter, s’ils me demandaient, à ce qui a déjà été mis noir sur blanc dans le reportage.
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