affaire EADS Le délit d’initiés se cacherait sur le marché des options

Publié le par sceptix

Jeudi 24 Décembre 2009

Une enquête de l’université de Zurich suspecte de nombreux abus sur ces produits opaques. Et confirme une étrange activité sur les contrats du fabricant de l’Airbus, début 2006. Alors que l’autorité française de surveillance des marchés s’apprête pourtant à refermer le dossier

Trois chercheurs du Swiss Banking Institute de l’Université de Zurich pourraient bien avoir ouvert une boîte de Pandore: celle des délits d’initiés sur le marché des options.

Au lieu de traquer l’activité sur les actions de sociétés devant annoncer un revers important – plongeon des bénéfices, perte de contrats… – ceux-ci s’intéressent au marché, plus opaque, de leurs options de vente, ou «put». Moyennant une mise initiale modique, ces contrats permettent de s’assurer le droit de vendre des actions à un prix fixe: de quoi toucher le gros lot si l’on bénéficie d’un «tuyau» sur une mauvaise nouvelle, annonciatrice d’un plongeon en bourse.

Pics d’activité anormaux

Associé à Remo Crameri et Loriano Mancini, Marc Chesney a commencé, voilà quatre ans, à fouiller les transactions sur les options de quatorze multinationales aux Etats-Unis entre 1996 et 2006. Il a utilisé trois critères pour détecter d’éventuels délits d’initiés. D’abord, une envolée de la demande d’options. Ensuite, un rendement exceptionnel offert par ces options entre leur pic d’activité et l’annonce de la mauvaise nouvelle par l’entreprise. Enfin, ils ont déterminé statistiquement si ces options étaient souscrites pour couvrir un risque – la raison d’être de tels contrats – ou dans un but spéculatif.

Sorti en septembre, leur travail identifiait une quarantaine de pics d’activité suspects; par exemple avant l’amende imposée au cigarettier Philipp Morris en 1999.

Des rendements de 400%

Fort de cette expérience, les trois universitaires se sont alors penchés sur l’un des délits d’initiés les plus retentissants des dernières années: celui lié au retard de la livraison du super-jumbo A380 par EADS. Annoncé le 13 juin 2006, ce revers fit plonger l’action de l’avionneur de 26%, 5 milliards d’euros partant en fumée en un jour. Le gendarme français des marchés vient pourtant de mettre hors de cause les dirigeants et les entreprises soupçonnés d’avoir eu vent à l’avance de ce retard. Et d’en avoir profité.

Dans un rapport réalisé il y a un mois, Marc Chesney et ses coauteurs alertent sur une «intensification des comportements anormaux à partir du 10 mars 2006» sur dix options de vente EADS traitées à Paris et Francfort. Exemple? Le 7 avril 2006, la demande de nouvelles options (courant jusqu’au 16 juin et exerçable à 32 euros) explose. «Statistiquement, un tel pic survient deux jours tous les 1000 jours», notent les auteurs. Au total ceux-ci identifient, durant les trois mois et demi précédant le retard du super Airbus, des pics d’achats d’options suspects ayant généré près de 400% de rendement, soit 36 millions d’euros de gain. «Les enquêtes des autorités françaises se sont focalisées sur les ventes suspectes d’actions et l’exercice de stock-options, mais le trading des options de vente semble avoir été ignoré», s’étonne Marc Chesney.

Le silence des autorités

«Ces résultats ne sont que des suspicions, seule l’identité des souscripteurs permettrait éventuellement de les confirmer», poursuit l’ancien professeur de HEC Paris. Celui-ci souhaite pouvoir «collaborer» avec les autorités de marché française ou suisse et propose de leur présenter son système d’alerte sur les options. «Si ce travail a pu être réalisé à trois avec un budget réduit, cela doit être à leur portée», souffle Marc Chesney. Contactée, la Finma helvétique admet ne pas porter «d’attention particulière» au marché des options.

Source :  Le Temps.ch

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