Appel à la délation: la presse britannique va-t-elle trop loin?
Tom Godwin, chef de la police britannique, a encouragé les citoyens à identifier et dénoncer les individus à l’origine des émeutes qui secouent l’Angleterre depuis quelques jours. Le site internet du tabloïd anglais The Sun a directement embrayé en faisant sa Une avec les photos des émeutiers présumés. Est-ce vraiment là, le rôle de la presse ?
Depuis plusieurs jours, de violentes émeutes secouent l’Angleterre. Scènes de pillages et d’affrontements entre jeunes casseurs et policiers sont visibles dans plusieurs quartiers de Londres, Manchester, Tottenham, Birmingham et Nottingham. De nombreux magasins sont incendiés. Des habitants et commerçants commencent à s’organiser pour assurer leur sécurité. Car si un certain nombre d’arrestations ont déjà eu lieu, la police anglaise semble bien incapable de garder le contrôle dans ses rues.
La police encourage la délation
Les villes de Grande-Bretagne grouillent littéralement de caméras de surveillance. Elles y sont extrêmement nombreuses. La police dispose donc d’images des émeutiers. Afin de pouvoir procéder à des arrestations et à un retour au calme le plus rapide possible, elle a lancé un appel à la délation. Tout citoyen qui peut identifier un casseur grâce aux images prises par les caméras de surveillance et mises à disposition, est prié de le dénoncer aux autorités. "Nous avons les images et nous demandons aux Londoniens d’identifier les personnes qui sont impliquées dans les activités criminelles de la nuit passée", déclarait mardi Tom Godwin, le chef de la police britannique. Et de continuer : "Nous viendrons vous arrêter dans les jours, semaines ou mois qui viennent. Donc, arrêtez maintenant car nous serons là cette nuit".
The Sun embraye: est-ce son rôle ?
Emboîtant le pas aux autorités judiciaires, le site internet du tabloïd anglais The Sun a choisi de faire sa Une avec les photos des émeutiers présumés. Le numéro d’un call-center est mis en évidence. C’est celui que les lecteurs sont encouragés à contacter afin de dénoncer une personne supposément reconnue. La question se pose alors : est-ce vraiment le rôle de la presse ? Car il ne s’agit pas ici d’un avis de recherche émis par la police et relayé par les médias. Dans ce cas de figure, les personnes sont non-identifiées. Etaient-elles au mauvais endroit au mauvais moment ou faisaient-elles partie des casseurs ? Quelle incidence aura la publication de leurs photos, peut-être diffusée hors contexte, sur leurs vies professionnelles et personnelles ? Qu’en est-il de leur droit à l’image ? Sans parler des individus mal intentionnés qui profiteraient des émeutes pour « dénoncer » une personne qu’ils n’apprécient guère.
Cela ne serait pas la première fois…
Le Premier ministre britannique David Cameron a demandé à l'ancien chef de la police new-yorkaise Bill Bratton son aide en tant que consultant pour tenter de mettre fin aux émeutes qui secouent plusieurs villes d'Angleterre, a annoncé vendredi soir Downing Street. "Le Premier ministre a parlé avec Bill Bratton aujourd'hui pour le remercier d'avoir accepté de se rendre à une série de réunions en Grande-Bretagne cet automne afin d'y faire part de son expérience en matière de traitement des gangs quand il était chef de la police de Boston, de New York et de Los Angeles", a déclaré une porte-parole de M. Cameron. "Bill Bratton, qui a de longue date des relations avec la police britannique, fournira ses avis à titre personnel et bénévolement", a-t-elle ajouté.
Consultant pour Scotland Yard
Selon les sites internet des chaînes américaines NBC et ABC News, qui avaient annoncé l'initiative britannique, M. Bratton a déclaré avoir reçu un appel de M. Cameron vendredi pour lui demander d'être consultant pour Scotland Yard. M. Bratton a précisé à NBC qu'il s'attendait à prendre ses fonctions bientôt, mais pas à s'installer en Grande-Bretagne de manière permanente.
Accalmie après quatre nuits d'émeutes
L'initiative intervient au moment où les émeutes, accompagnées de pillages et d'incendies, qui ont secoué Londres et plusieurs autres villes britanniques ces derniers jours ont fait cinq morts. La Grande-Bretagne connait une accalmie depuis deux jours, après quatre nuits d'émeutes, qui ont conduit à 1.500 arrestations à travers le pays.
RTL.be