les Etats membres ne pourront plus refuser de participer à une guerre déclenchée par l’OTAN – à l’instar de la moitié des pays membres de l’OTAN, lors de l’attaque contre la Libye.

Publié le par Charlotte sceptix

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L’OTAN continue à planifier des interventions en contradiction avec le droit national et international
par Karl Müller

Lors de sa rencontre des 20 et 21 mai à Chicago, l’OTAN a présenté ses plans concernant une nouvelle restructuration de ses armées. Selon le concept de «Smart Defence», on a demandé aux Etats membres de l’Alliance d’abandonner le principe de la décision souveraine concernant la participation aux interventions militaires de l’OTAN. A l’avenir, les divers Etats membres de l’OTAN – à l’exception des Etats-Unis – ne devront plus garantir toute la gamme d’une armée classique, mais ils devront «se spécialiser». En même temps, lors de futures interventions militaires, les Etats membres seront obligés d’y participer avec les troupes convenues. Conséquence de ce procédé: les Etats membres ne pourront plus refuser de participer à une guerre déclenchée par l’OTAN – à l’instar de la moitié des pays membres de l’OTAN, lors de l’attaque contre la Libye.
Dans la déclaration finale du Sommet de l’OTAN de mai 2012 («Capacités de défense pour les forces de l’OTAN à l’horizon 2020») il est déclaré, dans un jargon très peu compréhensible: «Le développement et le déploiement de capacités de défense est d’abord et avant tout une responsabilité nationale. Toutefois, le coût de la techno­logie ne cessant de croître et les budgets de défense étant soumis à des restrictions, un grand nombre d’Alliés ne peuvent se doter de certaines capacités-clés qu’à la condition de travailler ensemble à leur développement et à leur acquisition. Nous saluons donc les décisions prises par les Alliés de faire progresser certains projets multinationaux, visant notamment à améliorer la protection de nos forces engagées pour une meilleure surveillance et un meilleur entraîne­ment. Ces projets déboucheront sur une plus grande efficacité opérationnelle, des économies d’échelle et une interconnexion plus étroite de nos forces.» (§ 7)
La «Frankfurter Allgemeine Zeitung» du 21 mai s’est exprimée plus clairement: «L’OTAN met en question un de ses principes politiques les plus délicats. Elle veut ouvrir le débat sur les objections nationales face aux interventions de l’Alliance pour empêcher que, lors d’interventions à l’étranger, certains alliés puissent bloquer la mainmise sur les systèmes d’armes et les unités engagés conjointement.» Et le journal de continuer: «Des diplomates nous apprennent qu’il faut discuter des objections nationales aux interventions avant tout parce que l’OTAN, face aux problèmes financiers de ses alliés, utilisera à l’avenir de plus en plus de systèmes d’armes conjointement.»

La combine des économies

En effet, la direction de l’OTAN essaie, depuis un certain temps déjà, de leurrer les pays membres avec la notion de «Smart Defence» pour les faire abandonner une partie essentielle de leur souveraineté nationale et de leur droit à l’auto-détermination garantie par le droit international. Sur le site Internet de l’OTAN, on pouvait lire en février 2012 déjà un texte publicitaire en faveur de la «Smart Defence»: «Dans ces temps-ci, marqués par les économies, chaque euro, chaque dollar et chaque livre-sterling sont importants. «Smart Defence» désigne donc une nouvelle façon de réfléchir sur les possibilités de créer les nouvelles capacités de défense dont l’Alliance a besoin dans la décennie à venir, et au-delà encore. Il s’agit là d’une culture de coopération renouvelée, encourageant les alliés à coopérer pour développer, acquérir et entretenir les capacités militaires pour réaliser les tâches essentielles définies par le nouveau projet stratégique de l’OTAN. Ce qui signifie rassembler les capacités, les utiliser en commun, fixer les priorités et mieux coordonner les efforts.» En clair: Les membres de l’Alliance, et notamment les membres européens, ne seront – incapables d’une défense autonome – que des «fournisseurs de services» en vue des interventions bellicistes planifiées par Washington.
Les Etats-Unis dépensent 20 fois plus pour leur armée que l’Allemagne ou la France. La moitié des dépenses militaires mondiales incombent aux Etats-Unis. Les conséquences pour l’économie des Etats-Unis et pour les habitants du pays sont catastrophiques. Pourquoi les Etats-Unis ne veulent-ils pas réduire leur budget militaire au niveau des autres Etats de l’OTAN, c’est-à-dire à 5% du niveau actuel? Cela permettrait aux Etats-Unis de réfléchir plus intensément à leur économie civile ou d’éventuellement redevenir le moteur authentique de l’économie mondiale et d’offrir ainsi de grosses recettes fiscales aux pays du monde entier. Mais leur planification ne va pas dans ce sens. Ce qui les dérange ce sont les restes de souveraineté des pays européens. Ils doivent élargir leurs services de vassaux en faveur de la puissance d’Outre-Atlantique, qui aspire toujours à devenir la seule puissance au monde.

Violation de la Constitution en Allemagne

Pour un Etat tel que l’Allemagne, les nouveaux plans de l’OTAN signifient une nette violation de la Constitution. Le 12 juillet 1994, le Tribunal constitutionnel suprême avait déclaré, dans un jugement de principe, que la Loi fondamentale contraint le Gouvernement fédéral de demander au Bundestag l’approbation de toute intervention militaire à l’étranger. Plus de 10 ans plus tard, le 24 mars 2005, la «Loi sur la Participation du Parlement» («Parlamentsbeteiligungsgesetz») est entrée en vigueur. Son paragraphe 1 stipule, de façon très claire, que «l’intervention des forces armées allemandes à l’extérieur du territoire de validité de la Loi fondamentale nécessite l’approbation du Bundestag.» En plus, le Parlement allemand dispose du «droit au réexamen» («Rückholrecht»), ce qui veut dire qu’il a la compétence de retirer l’approbation donnée, et ce qui signifie que l’intervention doit être interrompue et que les soldats doivent rentrer au pays.
Le jugement du Tribunal constitutionnel suprême fut la réaction à l’intervention à l’étranger de la Bundeswehr en 1993 en Somalie, qui était vivement disputée. Dans une sorte de «tactique du salami», le gouvernement fédéral d’antan poussa la Bundeswehr en direction d’interventions internationales. Le Tribunal constitutionnel suprême n’a malheureusement pas voulu arrêter cette évolution, mais a rappelé d’autant plus le fait que la Bundeswehr ne doit pas former un «Etat dans l’Etat», isolé de la vie démocratique – une circonstance qui a engendré, du temps de la République de Weimar, notamment, la dictature – mais doit être une armée ancrée dans la démocratie, avec des soldats qui se conçoivent eux-mêmes comme des «citoyens en uniforme». Ces réflexions de principe, émanant des domaines politique et constitutionnel, furent déjà mis de côté quand il s’agissait de transformer les soldats de la Bundeswehr en «combattants archaïques». Elles le furent davantage encore quand on transforma l’armée de service militaire obligatoire en une armée de métier.
Les gouvernements allemands des 20 dernières années ont voulu des interventions de guerre allemandes et ils continuent d’en planifier d’autres. Ils font aussi tout pour défaire les droits souverains de l’Allemagne. Le gouvernement Merkel a lui aussi signalé qu’il voulait obéir aux plans de l’OTAN. La «Frank­furter Allgemeine Zeitung» le commente dans ces termes-ci: «A ce qu’on entend, le gouvernement fédéral est d’accord de réexaminer le droit à la participation du Parlement. […] Au sein du gouvernement fédéral, il y a depuis un certain temps déjà des personnes qui réfléchissent à la question de savoir comment on pourrait faire participer des unités allemandes, œuvrant au sein d’unités multinationales, aux interventions de l’OTAN, et ceci sans devoir en demander la permission au Bundestag.»
Ne doit-on pas, face à une telle ignorance concernant le droit et la loi, issue d’une pure politique de force, rappeler aussi le rapport diffusé par la «tagesschau.de» du 21 mai qui déclarait que «les plus grandes économies pour l’OTAN ne sont pas fournies par la ‹Smart Defence›, mais par le retrait des troupes de l’Afghanistan, prévu pour 2014. Pour leurs 90 000 soldats stationnés actuellement dans l’Hindou Kouch, les Etats-Unis dépensent chaque année 90 milliards de dollars. Après le retrait de leurs troupes, ils n’auront plus que 4,1 milliards de dollars à débourser pour les forces de sécurité afghanes.»
Ne pas faire la guerre économise beaucoup plus d’argent que tout genre de «Smart Defence». S’il s’agit vraiment d’argent …    •

 

Source Horizons et débats

Publié dans OTAN-défense - ONU

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