L’Histoire est toujours écrite par les gagnants

Publié le par sceptix

Comment ne pas se souvenir sans un pincement au cœur de cette période – pas si lointaine mais bel et bien révolue – où la quasi totalité des analystes, investisseurs et autres traders épiloguaient sur les "diminutions des risques de l’économie globale", au mépris des Cassandres qui manifestaient de la méfiance et qui recommandaient de la circonspection vis-à-vis à l’euphorie économique, financière et boursière généralisées ? Cette majorité écrasante prétendait alors que les déséquilibres mondiaux n’étaient que la résultante naturelle d’une globalisation bienfaitrice alors qu’une minorité - réduite au silence - craignait que les Etats-Unis, qui avaient déjà du mal à attirer les capitaux suffisants pour combler leurs déficits en cette période bénie, ne se retrouvent dans une situation inextricable en période de ralentissement et en seraient peut-être réduits à vendre des pans entiers de leur économie pour survivre ! 
Voir les commentaires ici : http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=48881


Les théoriciens de la globalisation débattaient pour évaluer si cette baisse généralisée de la volatilité macro économique était adéquatement reflétée sur les marchés boursiers. Effectivement, dans une conjoncture où la précédente bulle des valeurs technologiques avait été rapidement surmontée, où le cataclysme dû aux déficits américains astronomiques maintes fois prédit par les mauvaises augures ne s’était jamais matérialisé et où les prix du Pétrole en constante progression n’avaient pu entraver l’économie US, les marchés boursiers semblaient encore et toujours sous évalués...Quel risque pouvait-il bien y avoir à s’endetter plus afin de rentabiliser encore et encore le capital ? L’utilisation de l’effet de levier s’était généralisée affectant ainsi la globalité du spectre des investissements car le moindre des investisseurs se finançait désormais dans des Devises à faible taux d’intérêt pour placer plusieurs fois ce montant emprunté sur des instruments à haut rendement : quoi de plus naturel dans un contexte de volatilité maîtrisée ? Laisser le cash dormir sur un compte relevait à cette époque du sacrilège : L’Histoire financière n’est-elle pas systématiquement écrite par les gagnants ?

Ces comportements à risque ainsi que les abus ayant abouti à la crise des subprimes sont en grande partie imputables à l’attitude irresponsable de certaines Banques Centrales. Lors de l’implosion des valeurs technologiques à l’aube de ce siècle, la Réserve Fédérale Américaine présidée alors par Alan Greenspan - qui craignait selon ses propres termes une "déflation corrosive " -, avait en effet persévéré jusqu’à ramener les taux d’intérêts américains à 1% en 2003. Les Etats-Unis réussissaient ainsi à se sortir par le haut de cette crise grâce à la flambée des prix immobiliers qui avait stimulé consommation et croissance. Pour autant, le pêché originel de la Fed de Greenspan fut d’avoir maintenu des taux d’intérêts à des niveaux ridiculement bas jusqu’à Juin 2004, longtemps après la résorption de la crise des valeurs technologiques. Greenspan a certes par la suite invoqué afin de se dédouaner l’épargne Asiatique massive ayant inondé de liquidités les Etats-Unis avec pour conséquence directe une pression baissière supplémentaire sur les taux américains, il n’en reste pas moins que des taux officiels à 1% ont sans le moindre doute encouragé toute une série de comportements à risque que nous payons aujourd’hui et dont il n’est pas possible d’exonérer l’ancien Président de la Fed.

L’économie n’étant pas une science exacte, les leçons du passé peuvent donc être précieuses et il est regrettable que Greenspan ne s’en soit pas inspiré ! C’est en effet Milton Friedman et Anna Schwartz qui avaient été les premiers à clairement mettre en évidence la responsabilité de nos Banquiers Centraux dans les crises financières à travers la publication d’un ouvrage retentissant en 1963, A Monetary History of the United States. Friedman et Schwartz révélaient le rôle de la Réserve Fédérale US, responsable selon eux du déclenchement de la Grande Dépression du fait de la hausse des taux d’intérêts américains après la dégringolade boursière de 1929. Ce livre fut en son temps un véritable pavé dans la mare car il révolutionna irrémédiablement la version selon laquelle la crise des années 30 était imputable à l’échec du capitalisme et du marché libre en mettant directement en cause l’attitude des bureaucrates de la Fed de l’époque et en démontrant que la dégringolade boursière d’Octobre 1929 n’était qu’un épisode de la crise...De fait, l’économie américaine - qui survécut plus ou moins correctement après le crack boursier - ne fut fragilisée qu’à partir du moment où la Fed laissa aller à la faillite une première banque, la Bank of the United States, pour "l’exemple", induisant une réaction en chaîne qui devait emporter plus de 4’000 banques dans les années 30 ! Cette volonté de "punir les spéculateurs " fut accompagnée par l’application d’une politique monétaire anti-inflationniste qui conduisit la Fed à relever de manière incroyable et par deux fois son taux d’escompte jusqu’à 3.5% en 1931 pendant que le système financier du pays, lui, se désintégrait et alors que la déflation constituait le danger immédiat. 

Aujourd’hui, l’économie globale est en pleine déflation, les taux d’intérêts de la Réserve Fédérale Américaine proches du zéro absolu et nos Banquiers centraux, ayant épuisé toutes leurs munitions, en seront bientôt réduits à larguer, selon l’expression de Milton Friedman, des ballots de liquidités depuis des hélicoptères










Ne pas occulter la dimension criminelle de la crise financière
Par Jean-François Gayraud et Noël Pons
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TRIBUNE - Jean-François Gayraud, commissaire divisionnaire de la police nationale, et Noël Pons, conseiller au Service central de prévention de la corruption, établissent un lien entre criminalité et crise financière.

Personne ne conteste à la crise du subprime une dimension à la fois structurelle (l'orgie de crédit) et conjoncturelle (l'éclatement de la bulle immobilière aux États-Unis). Cependant, nul n'a semblé voir les aspects criminels de cette crise financière globalisée. Un oubli étonnant car l'histoire nous enseigne que toutes les crises financières «recèlent» une dimension criminelle. Soit par l'immixtion du crime organisé, soit par la répétition d'opérations criminelles commises par les acteurs normaux des marchés ; et parfois aussi par l'association de ces deux univers. Dans notre propos, nulle volonté de réduire une crise systémique à du gangstérisme ou de débusquer d'improbables boucs émissaires, mais le souci de rappeler que le crime - organisé ou non - s'infiltre partout où l'argent règne, y compris sur les marchés financiers.

Le crime accompagne, amplifie et parfois provoque les crises financières. D'ailleurs, comment ne pas être troublé par l'étrange alerte publique que lança, en mai 2008, le ministre de la Justice américain, Michael Mukasey, sur la menace grandissante pour la sécurité nationale représentée par la «pénétration des marchés par le crime organisé» ?

Tout le monde ou presque semble avoir occulté le fait que le monde occidental avait déjà vécu dans les années 1980-1990 deux grandes crises financières à forte «odeur criminelle», dans un contexte également de prêts immobiliers inconséquents et de dérégulation des marchés.

Il y eut d'abord la faillite des caisses d'épargne et de crédit immobilier (Savings and Loans) dans les années 1980, aux États-Unis, l'un des pires désastres financiers du XXe siècle. Son coût pour le contribuable américain fut estimé à près de 500 milliards de dollars, en incluant les intérêts. Si le gouvernement fédéral n'était pas intervenu, le cœur même de l'économie américaine aurait été mis en danger et, par contagion, une partie de l'économie mondiale.

L'épicentre du désastre avait pour origine des fraudes criminelles de grande ampleur, menées par des cadres de ces caisses d'épargne et des bénéficiaires extérieurs, parfois même des mafieux avérés. 70 % à 80 % des faillites de ces caisses d'épargne furent dues à une activité criminelle.

Au même moment, le Japon vit une crise comparable dont le pays n'est toujours pas guéri. Dans un contexte d'argent facile et de dérégulation, les banques prêtent de manière inconsidérée à des sociétés et à des entrepreneurs «en odeur de Yakuza», la mafia japonaise. Lorsque les bulles bancaires et immobilières éclatent, le système financier japonais se retrouve exsangue, piégé par des masses de prêts irrécouvrables, estimés en 1998 à 600 milliards de dollars. Dans 30 % à 40 % des cas, ces «créances douteuses» s'avèrent être en fait des «créances mafieuses», donc impossibles à recouvrer.

La crise du subprime s'amorce probablement avec la multiplication de prêts immobiliers à des bénéficiaires dans l'incapacité de rembourser. D'abord, des montages primaires affectant la qualité des prêts seront mis en évidence. La seconde période (titrisation et dérivés d'assurances) enfante des montages alambiqués, toujours causés par l'attrait des bonus et par la complexité même des opérations. Les fraudes changent de nature, les conflits d'intérêts entre agences de notation et banques, banques et assureurs, se multiplient au gré des évaluations et des contrats. Surtout, les créances gênantes quittent les bilans. De véritables «usines à gaz» dans lesquelles le fictif a été agrégé au réel sont montées. Au moment du décompte final, les pertes doivent être régularisées : les bilans manipulés et les annonces de situation falsifiées. Le spectre d'Enron ressurgit !

La troisième période, celle du passage par les hedges funds et les banques d'affaires, voit la crise du subprime s'amplifier et éclater lorsque les produits toxiques sont diffusés mondialement.

Une spéculation effrénée génère d'autres types de montage : le blanchiment, du fait de l'omniprésence de structures installées dans des paradis fiscaux, et de la totale absence de transparence qui y règne ; la manipulation d'informations afin de créer un appel d'investisseurs nouveaux qui nourriront la machine alors que la situation est dégradée. Ensuite, la spéculation boursière de type «bouilloire» (prises de position rampantes, late-trading, écrêtage et tant d'autres montages). Enfin, les délits d'initié qui peuvent survenir lors des recapitalisations des institutions bancaires, parabancaires ou d'assurances en utilisant les ventes à découvert. Et, pour terminer, les jeux destinés à «aider» la chute de concurrents en faisant baisser artificiellement les cours, ce qui crée des problèmes graves à la collectivité. Pour conclure, rappelons une réplique célèbre du film L'Arnaque : «À quoi bon faisander si les honnêtes gens en font autant ?»

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E
Je cite cet article parmi d'autres sur mon nouveau blog http://sos-crise.over-blog.com bonne journée eva
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