Le grand dilemme du G20

Publié le par sceptix

Alors qu'ils doivent créer une gouvernance commune pour réguler les mouvements financiers, les Etats sont confrontés à de graves problèmes domestiques. Où iront leurs priorités?

PAR GERARD DELALOYE



Il aura donc suffi qu'un parlementaire tchèque vote contre son gouvernement pour que la chute de Mirek Topolanek sème un trouble d'ampleur européenne et mette en évidence un phénomène déjà largement perceptible avant le déclenchement de la crise économique l'été dernier: le morcellement d'une Union Européenne tirée à hue et à dia par des pulsions nationalistes.

Topolanek, eurosceptique proaméricain, est aussi en charge de la présidence de l'Union Européenne jusqu'à la fin juin (il est toutefois possible que, vu le mode de désignation de son successeur, il reste encore en charge pendant quelques mois). Son affaiblissement politique ne va pas favoriser le dynamisme de la direction bruxelloise.

Cet épisode survenant après la démission annoncée du premier ministre hongrois Ferenc Gyursany se situe en droite ligne dans une crise politique générale de l'Europe anciennement soumise à Moscou.

La Pologne est bloquée politiquement par le conflit entre son président conservateur ultra-catholique et son gouvernement libéral. L'Estonie a perdu l'équivalent de 20% de son PIB dans la crise bancaire. La Lettonie est pour sa part au bord d'une faillite qui risque de mettre au tapis tant les politiciens que les spéculateurs, à la manière de ce qui s'est passé en Islande.

La Roumanie a obtenu le 24 mars un prêt d'environ 20 milliards d'euros sur deux ans du FMI, de l'UE et de la Banque mondiale. Mais le pays est politiquement sur le fil du rasoir. Le gouvernement Boc issu d'une coalition contre nature entre sociaux-démocrates et libéraux étatistes aura de la peine à survivre. La Bulgarie subit toujours le joug de diverses mafias.

L'intégration européenne de ces pays n'a pas encore porté la stabilité attendue. Le danger le plus immédiat reste cependant celui créé par l'irrédentisme hongrois en Slovaquie et en Roumanie, un irrédentisme soutenu par la forte montée des milices nationalistes en Hongrie même.

Cette crise politique sur fond de malaise économique fait écho à celle qui parcourt l'Europe occidentale de l'Islande à la Grèce en passant par l'Italie, l'Espagne, la Belgique et la France.

Il est compréhensible (sinon excusable) dans ces conditions que les gouvernants consacrent l'essentiel de leurs forces à résoudre leurs problèmes domestiques. Cela se réduit hélas à des décisions prises à la hâte, au coup par coup, sans autre vision d'avenir que celle de boucher des trous ou d'en faire en donnant la priorité aux grands chantiers ferroviaires ou autoroutiers. En poussant à la consommation des gens qui n'ont qu'une idée en tête: économiser, car ils sentent instinctivement que le plus dur est à venir.

Ces quelques remarques montrent le décalage qui règne entre une agitation internationale très artificielle entretenue notamment par la multiplication des sommets planétaires ou la désignation d'ennemis de convenance comme la prétendue guerre aux paradis fiscaux, destinée avant tout à amuser la galerie. Dans ce sens, le prochain G20 du début avril va surtout se conclure par la production éphémère de jolis lapins de Pâques!

Car l'enjeu réel demeure la définition de règles mettant sous contrôle les moteurs capitalistes (financiers, industriels, commerciaux...) de la mondialisation. Il s'agit, par des accords entre grandes puissances, de créer une gouvernance politique mondiale capable d'empêcher les mouvements financiers d'obéir à leur seule logique. Ce n'est tout de même pas par hasard que l'Etat, depuis le XVIIIe siècle, s'est développé pour accompagner et surveiller la croissance et à l'expansion économique.

Il est probablement possible de trouver une solution en se donnant le temps de travailler en profondeur et de réformer les institutions (FMI, OMC, Banque mondiale) issues de la dernière guerre mondiale. Mais il faudrait pour cela un gouvernement américain fort et expérimenté. Ce n'est pas encore le cas de l'administration Obama qui vient d'entrer en fonction et qui, comme les gouvernements européens, tente avant tout de reprendre en main la gestion du pays.

C'est dire que les turbulences qui secouent les Etats européens n'ont pas fini de les pousser vers les populistes nationalistes et xénophobes avec le risque évident d'un retour en force du protectionnisme économique.

http://largeur.com/expArt.asp?artID=2823
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