LOPPSI : le blocage des sites se fera (en principe) sans juge

Publié le par sceptix

 
 Le juge déconnecté


 

C’est en vain que des sénateurs auront tenté par voie d’amendement de réintroduire l’aval du juge avant tout blocage d’accès aux sites pédopornographiques.  Le Sénat vient de voter l'article 4 qui permet à l'autorité administrative d'exiger le blocage d'accès aux sites qu'elle aura librement déterminé. Sauf cas particulier.

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A l'Assemblée nationale, la Commission des lois et les députés avaient exigé cette intervention préalable, contre l’avis du gouvernement et du rapporteur. Pourquoi ? Car en vertu de la décision Hadopi 1 du Conseil constitutionnel, il revient à l'autorité judiciaire, gardienne des libertés, de se prononcer sur des mesures susceptibles de porter atteinte à la liberté de la communication (l’accès à internet).

« Il n’y a pas de liberté d’accéder à des contenus illégaux »

Au Sénat, la Commission des lois et les sénateurs ont repoussé cette intervention préalable. Et si cette version devient définitive, c’est l’autorité administrative seule qui décidera des sites à bloquer dans les mains des FAI. Pour le ministre Jean Marie Bockel, qui portait la parole du gouvernement : « Il n’y a pas de liberté d’accéder à des contenus illégaux ». L’intéressé estime donc inapplicable la décision Hadopi 1 du Conseil Constitutionnel. Que ces contenus sont par nature illégaux, même sans décision de justice qui les déclare comme tels.

Seule brèche dans l’entêtement à déconnecter le juge, un amendement défendu par le sénateur Détraigne a été adopté avec l'aval du gouvernement. Selon cet amendement, « lorsque le caractère pornographique [NDLR, du contenu] n'est pas manifeste, l'autorité administrative peut saisir l'autorité judiciaire qui statue sur l’interdiction de l’accès aux adresses électroniques ».

Le juge n'est qu'une option, dont l'oubli n'est pas sanctionné

Ainsi : les sites pédopornographiques pourront faire l’objet d’un blocage décidé seul par l'autorité administrative (OCLCTIC - Office Central de Lutte contre la Criminalité). En cas de contenu non manifeste, le juge pourra en outre être saisi. Le juge est une option, presque un luxe, du cosmétique. Pour preuve, il n'y a aucune sanction si l’OCLCTIC oublie de saisir le juge en cas de contenu non manifestement pédopornorgaphique...

L'amendement Détraigne, soutenu par le rapporteur de la commission des lois et le gouvernement  a cependant un avantage subtile : celui de permettre le filtrage même lorsque le contenu n'est pas manifeste. Selon cet angle de vue, il étend les hypothèses où le filtrage pourra être décidé même lorsque le contenu n'est pas manifestement illicite (un exemple qui avait secoué Wikipedia en Angleterre).
Rédigée par Marc Rees le jeudi 09 septembre 2010
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Et sur Numérama
Loppsi : le filtrage sans contrôle judiciaire adopté au Sénat
Guillaume Champeau - publié le Jeudi 09 Septembre 2010 à 01h40

Mercredi soir, les sénateurs ont adopté l'article 4 du projet de loi Loppsi, en donnant à l'autorité administrative le pouvoir de transmettre aux FAI une liste de sites à bloquer, sans contrôle judiciaire.

 

Lors de l'examen du projet de loi Loppsi, les sénateurs ont voté mercredi soir l'article 4 sur le filtrage tel qu'il avait été modifié par la commission des lois. En séance plénière, les sénateurs n'ont pas rétabli l'obligation de recourir au juge avant toute mesure de filtrage, comme l'avaient prévu les députés.

Le texte voté dit ainsi que "lorsque les nécessités de la lutte contre la diffusion des images ou des représentations de mineurs présentant un caractère manifestement pornographique le justifient, l'autorité administrative notifie aux [fournisseurs d'accès à Internet] les adresses électroniques des services de communication au public en ligne contrevenant aux dispositions de cet article, auxquelles ces personnes doivent empêcher l'accès sans délai".

Il est donc imposé aux FAI une obligation de résultat, sans contrôle judiciaire, puisque l'administration transmettra directement la liste des sites à bloquer aux opérateurs.

On notera cependant que le projet de loi ne prévoit aucune sanction à l'encontre des fournisseurs d'accès qui ne se plieraient pas à la demande, ou qui ne parviendraient pas à bloquer efficacement l'accès aux sites visés.

Les sénateurs ont par ailleurs durci le texte, en adoptant l'amendement de M. Détraigne qui dispose que "lorsque le caractère pornographique n'est pas manifeste, l'autorité administrative peut saisir l'autorité judiciaire qui statue sur l’interdiction de l’accès aux adresses électroniques mentionnées au présent alinéa". Présenté comme un compromis, l'ajout fait pire que mieux. Il ouvre en effet la possibilité d'obtenir le filtrage lorsque la pédopornographie n'apparaît pas manifeste, et ne donne qu'à la seule autorité administrative la possibilité de saisir le juge en cas de doute. Les fournisseurs d'accès qui ne seraient pas d'accord avec le caractère "manifeste" d'un contenu pédopornographique n'ont, eux, pas la possibilité de saisir une juridiction.

Tel qu'il a été voté, et s'il n'est pas corrigé en commission mixte paritaire, l'article 4 pourrait cependant risquer la censure du Conseil constitutionnel, s'il suit sa jurisprudence établie lors de la loi Hadopi 1. Dans son avis du 10 juin 2009, le Conseil constitutionnel avait en effet accepté que les ayants droits puissent demander des mesures de filtrage aux FAI, mais uniquement auprès des tribunaux garants de l'équilibre des droits fondamentaux. Il avait ajouté que "les atteintes portées à l'exercice de cette liberté (d'expression et de communication) doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi".

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