Pétrole contre nourriture: Pasqua, Total et son PDG en correctionnelle
L'ancien ministre Charles Pasqua, le groupe Total et son PDG, Christophe de Margerie, vont être jugés avec 17 personnes devant le tribunal correctionnel de Paris pour des malversations présumées dans l'ex-programme de l'Onu en Irak "Pétrole contre nourriture".
Le juge d'instruction Serge Tournaire, chargé de l'enquête, a signé le 28 juillet une ordonnance de renvoi, a-t-on appris mardi de source judiciaire, confirmant une information du journal satirique Charlie Hebdo.
Cette décision ouvre la voie à un procès car le parquet, qui avait cinq jours après la signature de l'ordonnance pour faire appel devant la chambre d'instruction, n'a pas choisi cette option, a-t-on ajouté.
La date du procès n'est pas fixée, mais il ne devrait pas se tenir avant 2012.
Le juge Tournaire n'a pas suivi le parquet, qui avait requis en octobre un non-lieu pour MM. Pasqua et de Margerie et pour Total.
Ouverte en 2002, l'enquête d'abord instruite par le juge Philippe Courroye s'était orientée vers diverses personnalités françaises soupçonnées d'avoir perçu au début des années 2000 des commissions occultes sous forme d'allocations de barils de pétrole du régime de Saddam Hussein, en violation du programme de l'Onu "Pétrole contre nourriture".
M. Pasqua, relaxé en avril dans l'affaire de l'Angolagate, est renvoyé en correctionnelle pour trafic d'influence et corruption. Le patron de Total est poursuivi pour complicité d'abus de biens sociaux.
Parmi les 19 prévenus, figurent Jean-Bernard Mérimée, ancien ambassadeur de France, l'ex-diplomate Serge Boidevaix ou encore l'ancien conseiller diplomatique de M. Pasqua, Bernard Guillet. Ils sont tous poursuivis pour corruption et trafic d'influence. L'homme d'affaires Claude Kaspereit est poursuivi pour corruption et abus de biens sociaux.
Total est poursuivi pour des faits de corruption et de complicité et recel de trafic d'influence. La justice soupçonne des dirigeants du pétrolier d'avoir versé des pots-de-vin pour obtenir des marchés.
En octobre, le parquet avait considéré que l'enquête ne permettait pas de démontrer que M. de Margerie s'était rendu complice d'abus de biens sociaux et que M. Pasqua s'était livré à du trafic d'influence.
Le programme "Pétrole contre nourriture" a été établi par le Conseil de sécurité en 1995. En vigueur de 1996 à 2003, il permettait à Bagdad de vendre du pétrole en échange d'aide humanitaire alors que l'Irak était soumis à un embargo après son invasion du Koweït le 2 août 1990.
Mais le régime de Saddam Hussein a détourné le programme de son objet et empoché 1,8 milliard de dollars par le biais de surfacturations ou de ventes parallèles.
En France, l'enquête avait débuté mi-2002 sur des soupçons d'éventuels abus de biens sociaux de cadres de Total via une société en Suisse, Telliac, pour obtenir des marchés en Irak. Le géant français a toujours nié avoir contourné l'embargo onusien.
En 2004, l'enquête de l'Onu avait mis au jour le détournement du programme "Pétrole contre nourriture" : l'Irak délivrait des allocations de barils de pétrole à des "amis" en échange de leur lobbying pour la levée des sanctions qui frappait le pays. La France était l'un des pays les plus concernés.
Ces révélations provoquèrent la réorientation de l'enquête vers des personnalités françaises susceptibles d'avoir bénéficié de largesses du régime de Saddam Hussein en échange de leur lobbying réel ou supposé.
La commission d'enquête dirigée par l'ancien président de la Réserve fédérale américaine, Paul Volcker, sur les dérapages et les malversations de ce programme avait mis en cause quelque 2.200 entreprises issues de 66 pays, dont la Russie, la France et la Chine. Parmi elles, près de 180 étaient françaises.
AFP
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pris sur le Monde Diplomatique
De l’embargo à la résolution 1454
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2 août 1990 : Sur la base de l’article 41 de la Charte, le Conseil de sécurité décide par la résolution 661 des sanctions économiques très larges : embargo sur les biens en provenance de l’Irak (et du Koweït annexé) et sur toutes les marchandises vers ce territoire, gel des fonds irakiens.
Le Comité des sanctions, composé des membres du Conseil de sécurité, est chargé de surveiller le respect de l’embargo et par la suite (par la résolution 715) de contrôler toute vente ou fourniture à l’Irak d’articles visés par l’embargo.
A cela s’ajoute, à partir de la résolution 670 du 25 septembre 1990, un blocus applicable à tous les moyens de transport.
Le but est clairement affirmé : contraindre l’Irak à respecter le paragraphe 2 de la résolution 660 qui exige son retrait du Koweït et le rétablissement du gouvernement légitime de l’Etat.
Avril 1991 : La guerre contre l’Irak est achevée, le Koweït libéré et son gouvernement restauré. Le respect des dispositions de la Charte devait conduire alors à faire arrêter les sanctions économiques.
Par la résolution 687 (3 avril 1991) du Conseil de sécurité, le paiement des dommages de guerre, le désarmement complet de l’Irak (sous contrôle de l’Unscom alors créée) et la solution de la question des prisonniers koweïtiens disparus sont les nouveaux objectifs des sanctions économiques qui frappent l’Irak. L’embargo est maintenu mais l’article 22 stipule : (le Conseil de sécurité) « décide que lorsqu’il aura approuvé le programme dont il demande l’établissement au paragraphe 19 et aura constaté que l’Irak a pris toutes les mesures prévues aux paragraphes 8 à 13, les interdictions énoncées dans la résolution 661 (1990) touchant l’importation de produits de base et de marchandises d’origine irakienne et les transactions financières connexes seront levées ».
14 avril 1995 : La résolution 986 prévoit « le plan pétrole contre nourriture ». L’Irak en refuse d’abord les conditions.
Mai 1996 : Mémorandum d’accord entre l’Irak et l’Onu sur les modalités d’application de la résolution 986. L’Irak peut vendre tous les semestres pour 2 milliards de dollars de pétrole. L’argent versé sur un compte contrôlé par les Nations unies permet à l’Irak d’acheter de la nourriture, des médicaments et du matériel pour reconstruire ses infrastructures.
Février 1998 : La résolution 1153 autorise l’Irak à exporter pour 5,2 milliards de dollars de pétrole tous les six mois.
L’Irak a été autorisé à importer pour 300 millions de dollars de matériel pour augmenter ses capacités d’exportation pétrolière, mais la lenteur de la délivrance par le comité des sanctions de chaque approbation pour chaque pièce achetée - et le bombardement de la raffinerie de Bassorah en décembre 1998 - retarde une amélioration de la situation.
4 octobre 1999 : Le Conseil de sécurité des Nations unies adopte la résolution 1266 qui autorise l’Irak à exporter 3 milliards de dollars supplémentaires de pétrole jusqu’à la fin de la sixième phase, soit novembre 1999. L’Irak est donc autorisé pour cette période (juin-novembre) à vendre pour plus de 8 milliards de dollars de pétrole.
19 novembre 1999 : Par la résolution 1275, le Conseil de sécurité décide de reconduire le « programme pétrole contre nourriture » mais pour une durée limitée de 15 jours. Les membres du Conseil de sécurité espèrent profiter de cette période pour se mettre d’accord sur les modalités de suspension des sanctions imposées à l’Irak. En réaction, Bagdad décide de stopper ses exportation de pétrole.
10 décembre 1999 : Par la résolution 1281 Le Conseil de sécurité reconduit pour une période de six mois le programme pétrole contre nourriture limitant à 5, 26 milliards de dollars la vente de pétrole irakien par semestre pour acheter des produits de première nécessité. Bagdad reprend ses exportations de pétrole après une interruption de trois semaines.
17 décembre 1999 : La résolution 1284 du Conseil de sécurité de l’ONU, adoptée avec l’abstention de trois des cinq membres permanents (Russie, Chine et France), prévoit l’instauration d’un nouveau régime d’inspection de l’industrie d’armement en Irak, en échange de la supension des sanctions pour une période de 120 jours renouvelable. La Commission de surveillance, de vérification et d’inspection des Nations unies (Unmovic, COCOVINU en français) doit remplacer l’Unscom. Pour la Russie, la résolution restera sans avenir si les bombardements américains et britannniques continuent. La Chine met également en garde les deux pays « contre le recours arbitraire à la force » et pour la France le désarmement de l’Irak doit entrainer une lévée et non pas une suspension des sanctions à l’encontre de l’Irak. L’Irak a rejeté cette résolution.
26 janvier 2000 : Le Conseil de sécurité de l’ONU approuve le choix de M. Hans Blix pour présider la Commission de surveillance, de vérification et d’inspection des Nations unies (Unmovic). Cet expert suédois a été président de l’Agence internationale à l’énergie atomique (AIEA) de 1980 à 1997. La précédente nomination de M. Rolf Ekeus par M. Kofi Annan à la tête de l’Unmovic avait été rejetée par Mosou et Bagdad, dénoncant ses « liens » avec la précedente Commission de désarmement, l’Unscom, qu’il a dirigée de 1991 à 1997.
31 mars 2000 : Le Conseil de sécurité, par la résolution 1293 porte à 600 millions de dollars, pour chaque phase de six mois (contre 300 précédemment), la somme allouée à l’Irak pour réhabiliter ses infrastructures pétrolières.
8 juin 2000 : Le Conseil de sécurité adopte la résolution 1302 qui prolonge le programme pétrole contre nourriture pour une nouvelle période de 180 jours à compter du 9 juin 2000. Il invite le Secrétaire général à nommer des experts indépendants chargés d’établir un rapport détaillé contenant une analyse de la situation humanitaire en Iraq. Il décide également d’appliquer la procédure « d’approbation accélérée » à des listes de fournitures pour l’alimentation en eau et l’assainissement.
1er juin 2001 : le Conseil de sécurité des Nations unies adopte la résolution 1352 prolongeant pour un mois le programme « Pétrole contre nourriture ».
3 juillet 2001 : le Conseil de sécurité des Nations unies adopte la résolution 1360 qui renouvelle le programme « Pétrole contre nourriture » pour 150 jours. Il n’est pas fait référence à une réforme des sanctions contre l’Irak. En raison de l’opposition de la Russie, la Grande-Bretagne renonce finalement à soumettre au vote du Conseil une résolution sur un nouveau programme dit de « sanctions intelligentes ».
14 mai 2002 : le Conseil de sécurité adopte la résolution 1409 qui modifie le régime des sanctions contre Bagdad. Le programmme « Pétrole contre nourriture » est prolongé pour 6 mois et un système renforcé de contrôle des produits pouvant avoir une utilisation militaire est mis en place sous l’égide de la Commission de contrôle et de vérification de l’ONU (Cocovinu) et de l’Agence internationale de l’énerge atomique (AIEA).
4 décembre 2002 : Les Nations unies adoptent la résolution 1447 qui renouvelle pour six mois le programme « Pétrole contre nourriture ».
30 décembre 2002 : Renforcement des sanctions contre Bagdad : le Conseil de sécurité de l’ONU vote la résolution 1454 qui étend la liste des biens dont l’importation est interdite en Irak.
Pour en savoir plus
Cahier documentaire sur le Golfe —
L’Irak, un pouvoir à abattre —
L’Irak dans l’attente de l’offensive
[Une liste exhaustive des résolutions de l’Onu concernant le programme pétrole contre nourriture peut être trouvée à : http://www.un.org/Depts/oip/backgro... ]