François Bayrou, baudruche ou espoir de la République française ? (1)

Publié le par sceptix

 
   
L’isolationnisme politique de Bayrou lui a été suicidaire. Et pourtant, la statue du Commandeur continue à se forger pour cet opposant d’un nouveau type.

L’ancien candidat à l’élection présidentielle François Bayrou a toujours eu du mal à rendre son discours crédible.


Une ambition en dehors du sérail

À l’image des Guignols de l’Info qui commencèrent à parler de lui comme d’un "plouc demeuré", François Bayrou pâtit d’une caractéristique essentielle de son personnage : loin des compromissions politiciennes, il a toujours navigué, paradoxalement, selon un seul objectif, sa seule ambition, devenir président de la République.

Sa candidature d’avril 2002 avait fait rire plus d’une personne. Se confronter au président de la République sortant, Jacques Chirac, au populaire Premier ministre sortant, Lionel Jospin, constituait pour de nombreux observateurs une source d’amusements et de moqueries. La grenouille qui voulait se faire plus grosse que le bœuf. François Bayrou, lui, savait qu’il lui fallait s’échauffer, un tour de piste, un premier essai pour se parfaire dans sa fonction de candidat (Mitterrand et Chirac, avant lui, avaient eu besoin de deux galops d’essai, pourquoi pas lui ?).

Avec sa gifle magistrale donnée à un gamin qui tentait de lui chiper son portefeuille, François Bayrou a réussi à se rendre crédible, ferme alors que l’image de centrisme mou lui collait au visage. Étrange résultat, mais il en ressortit que Bayrou obtint 7 % au lieu des 4 % promis par les sondages. Mieux, il arriva en quatrième position après les trois grands candidats, devant tous les petits : Noël Mamère, Jean-Pierre Chevènement, Arlette Laguiller… Bref, l’honneur légèrement sauvé.


2007 victime de 2002

Hélas pour lui, il n’a pas pu bénéficier de cette situation en raison du climat très particulier qui a suivi l’éviction de Lionel Jospin du second tour et son remplacement par Jean-Marie Le Pen.

D’une part, François Bayrou ne pouvait plus montrer son indépendance vis-à-vis de Jacques Chirac, ne pouvait pas se permettre l’abstention au second tour (comme en 2007) et devait donc faire allégeance électorale à celui qu’il voulait combattre, sans aucune autre contrepartie, Jacques Chirac n’ayant pas eu besoin de ses voix pour se faire réélire.

D’autre part, Bayrou a été victime aussi de l’OPA mise en œuvre par Alain Juppé et le RPR pour phagocyter l’UDF entre les deux tours de l’élection présidentielle de 2002 avec la création de l’UMP. Là encore, François Bayrou a réussi à sauvegarder l’essentiel en préservant de justesse son groupe à l’Assemblée nationale en juin 2002.

Durant le second mandat de Jacques Chirac, François Bayrou et ses grognards (la plupart auront filé dans le camp de Nicolas Sarkozy) ont hésité entre l’adhésion à un programme gouvernemental peu éloigné de leurs vues des gouvernements Raffarin, et une mise à distance des joutes parlementaires, voire une franche hostilité en votant même, pour certains d’entre eux, la censure contre le gouvernement de Dominique De Villepin dont il condamnait le jusqu’auboutisme dans l’affaire du CPE.


Enfin dans la cour des grands

Ce n’est qu’en début février 2007 que le personnage politique François Bayrou prit toute son ampleur, aidé en cela par des sondages de plus en plus croissants. Beaucoup de Français, souvent sans étiquette, refusaient l’alternative entre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal.

Si la mayonnaise n’a pas pu aller au-delà d’une belle performance avec sept millions d’électeurs et 18 % des suffrages (un score enviable pour Raymond Barre, Jean Lecanuet et Jacques Chaban-Delmas), notamment à cause d’une fin de campagne un peu poussive et son incapacité à répondre à la question cruciale de son éventuelle future majorité parlementaire, François Bayrou s’est malgré tout hissé au stade de personnalité incontournable du nouveau paysage politique français.

L’abandon de ses troupes et sa déroute prévisible aux législatives de juin 2007 n’ont pas désarmé le leader anti-UMPS. Les difficultés des municipales et leur aspect inaudible également.


La MoDemisation des esprits

En créant un mouvement de toute pièce, le MoDem, sur les ruines de la coquille vide de l’UDF, Bayrou bénéficia étrangement d’une base militante très importante engendrée par un phénomène peu commun dans l’histoire politique. Généralement, les militants s’activent avant une élection présidentielle. Ici, ils se sont activés surtout après.

Alors qu’on observait un véritable ostracisme de la part des médias depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, Bayrou bénéficie depuis le début de l’été 2008 d’une nouvelle couverture médiatique. Serait-il revenu en grâce ?

En fait, il n’était jamais sorti du cœur des Français, restant depuis un an l’une des personnalités les plus populaires du pays, au grand dam de Nicolas Sarkozy, mais aussi des éléphants du PS.


Stratégie doublement critiquée

François Bayrou subit depuis plus d’un an une double série de critiques, antagonistes.

D’un côté, à l’extérieur, on lui reproche de faire le jeu de la gauche, de ne pas avoir choisi encore la majorité présidentielle et les socialistes, d’avoir abandonné ses troupes inquiètes de leur réélection, bref, d’être passé à gauche sans faire preuve de responsabilité vis-à-vis des élus qui le soutenaient.

De l’autre côté, à l’intérieur, on lui reproche exactement l’inverse, de se comporter comme un féodal de la vieille UDF, de continuer les alliances à droite, de rester dans l’ambiguïté des alliances secrètes, tant à Lyon qu’à Marseille ou ailleurs, et de revenir au naturel vers une alliance anti-socialiste, comme l’ont illustré sa propre candidature aux municipales de Pau (où il combattait la liste socialo-communiste) et son soutien sans équivoque pour celle d’Alain Juppé à Bordeaux.

Le constat est facile à comprendre. De l’extérieur, Bayrou est toujours considéré comme un leader de droite et donc, comme un "traître" ou, au mieux, comme une "girouette".

Alors que les nouveaux militants bayrouïstes séduits et convaincus par sa campagne présidentielle, plutôt des socialistes déçus par l’investiture de Ségolène Royal, étaient de toutes façons opposés à la candidature de Nicolas Sarkozy. Les ultra-gauchistes, d’ailleurs, ne se privent toujours pas de faire rejeter François Bayrou vers la droite dont il resterait l’un des représentants, un peu moins décomplexé que Nicolas Sarkozy.


Dans le deuxième article, nous verrons les raisons de ce retour en grâce du leader démocrate-centriste.
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=43133

Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (11 août 2008)


Pour aller plus loin :

François Bayrou persévère dans son rôle d’opposant (31 juillet 2008).

Les votes et interventions du député des Pyrénées-Atlantiques (31 juillet 2008).
 
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