Du Québec : Afghanistan - Nicolas Sarkozy ignore la voix de son peuple

Publié le par sceptix

Afghanistan - Nicolas Sarkozy ignore la voix de son peuple
le 22 septembre 2008 | 85 visites | 2.50 / 5 | 1 commentaire(s)
Afghanistan - Nicolas Sarkozy ignore la voix de son peuple

 

« The French did not have enough bullets, radios and other equipment, the report said. The troops were forced to abandon a counterattack when the weapons on their vehicles ran out of ammunition only 90 minutes into a battle that stretched over two days.  »Globe & Mail.

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À vouloir faire taire la vérité, elle finit par triompher. Pourquoi le gouvernement de François Fillion sent le besoin de cacher, au peuple, la vérité sur les événements tragiques de l’Afghanistan ? La vérité finit toujours par sortir. Et lorsqu’elle a été dissimulée, elle revient à la lumière, crue et brutale. A la veille du débat au Parlement concernant le maintien ou non des soldats engagés en Afghanistan, le président de la République a, nous annonce Le Figaro, adressé une lettre aux parlementaires de gauche pour défendre le déploiement militaire français dans ce pays. « Nos responsabilités vis à vis de la communauté internationale et du peuple afghan font que nous resterons aussi longtemps que nécessaire et si le gouvernement démocratique d’Afghanistan le souhaite ». À remarquer que le peuple français n’est pas pris en compte dans cette déclaration.

Pourquoi une information qui relève des questions intérieures françaises est-elle révélée dans un quotidien canadien, anglophone, de Toronto ? Dont l’existence est confirmée par France24 ? Qu’est-ce qui se passe au pays de Nicolas Sarkozy ?

Samedi, le quotidien canadien « Globe & Mail » a fait état d’un rapport secret de l’Otan dénonçant le manque de munitions et d’équipements de communication de l’unité française tombée dans une embuscade meurtrière le 18 août en Afghanistan. Dix soldats ont été tués dans l’affrontement.

Selon le document, dont la véracité est contestée par l’Otan, l’unité française a dû abandonner la contre-attaque après seulement 90 minutes lorsqu’elle s’est retrouvée sans munitions. Or, selon ce que des rescapés ont déclaré publiquement, les combats étaient d’une telle intensité qu’ils auraient pu durer deux jours.

Ne disputons pas la durée des combats mais questionnons-nous sur la capacité de l’armée française d’affronter une attaque de cette importance : après 90 minutes, l’armée se retrouve sans munitions. Pire. Selon le document, cité par le Globe and Mail, les talibans avaient un équipement et une préparation bien supérieurs. L’unité de soldats français a, selon ce même rapport, perdu tout moyen de communication avec son commandement, lorsque sa seule radio est tombée en panne peu après le début des combats. Les soldats ont donc dû attendre de longues heures avant l’arrivée des renforts.

Panne de munitions. Panne de radio.

James Appathurai, porte-parole de l’Alliance, soutient n’avoir en main aucune information indiquant que les forces françaises étaient sous-équipées. Tout en reconnaissant la capacité des talibans de mener des opérations d’envergure. Le porte-parole ajoute : « L’Otan est préoccupé par l’implication de combattants étrangers et d’Al-Qaïda, basés de l’autre côté de la frontière avec le Pakistan, avec pour conséquence une meilleure capacité pour mener des attaques contre les forces de l’Otan, et pas seulement contre les forces françaises ». Pendant que l’Alliance s’interroge, les talibans agissent.

Les autorités françaises ont également démenti dimanche l’existence d’un tel document secret. Jusqu’à ce matin. Le ministre de la Défense Hervé Morin a, ce matin même, admis finalement sur RTL l’existence d’un compte-rendu d’un officier de l’Otan mais il a contesté qu’il s’agisse d’un rapport. Quelle sémantique. Non mais quelle sémantique ! Le commandant Prazuck défend ses troupes en Afghanistan : « On a toujours été en mesure de répondre aux tirs des talibans. Dans des combats qui ont duré neuf heures, il y a eu réapprovisionnements, par des navettes d’hélicoptères ». Qui a tout vrai ? Qui a tout faux ? Peu importe. Le 18 août 2008, dix soldats français ont été tués et 21 blessés par quelque 150 talibans dans la vallée d’Uzbeen, à l’est de Kaboul. Le gouvernement joue à cache-cache avec la population française qui mérite d’avoir la vérité. Le journal ajoute par ailleurs que les talibans se sont vantés auprès de l’un de ses journalistes avoir fait des prisonniers parmi les soldats français durant cette embuscade. Le commandant Prazuck, dans une déclaration à France Presse, s’objecte : « Quatre corps de soldats ont été regroupés (par les talibans), mais il n’y a pas eu de prisonniers ».

« Ce rapport existe bien », témoigne Graeme Smith, journaliste au quotidien canadien « Globe & Mail », interrogé par France24. « Ce qui est intéressant, c’est la sémantique utilisée par le démenti de l’Europe [la direction de l’Otan en Europe, ndlr ]. Ils disent qu’un rapport spécial n’existe pas. C’est exact : c’est un rapport tout à fait ordinaire ».

Très franchement, que dire de l’attitude des forces gouvernementales afghanes qui se sont enfuies à pied peu après le début des combats, « laissant sur place leur équipement militaire, en proie à l’ennemi  » ? « Alors que les sources militaires françaises en Afghanistan, citées par Lucas Menget, maintiennent qu’ils ont tenté d’aider les Français, mais n’ont pas réussi. Ce point est particulièrement sensible en ce moment, comme l’indique France24, puisque l’enjeu de la mission de l’Otan est de former des soldats afghans. D’après le rapport, c’est un échec total de ce point de vue ». Qu’est-ce qu’on fait en Afghanistan ? Au Canada, pendant ce temps, le lieutenant-colonel Dave Corbould, du régiment Princess Patricia’s Canadian Light Infantry, basé à Shilo, au Manitoba, déclare que la formation assurée par les troupes canadiennes donnent aux forces de sécurité afghanes la possibilité d’agir. Force est de constater qu’il ne faut jamais laisser la gestion de la vérité aux militaires.

Que font tous ces pays en Afghanistan ? Que fait l’Otan en Afghanistan qui risque d’être son cimetière au bout d’une course qui n’aura de fin qu’avec la disparition du dernier soldat ?

William Pfaff, de l’International Herald Tribune, écrivait le 22 mai 2007 : « L’Afghanistan sera vraisemblablement le cimetière de l’OTAN. Il s’agit là d’un cimetière déjà très rempli. L’union soviétique a été enterrée en Afghanistan. Et ce fut également le sort de l’Empire britannique, qui y a été défait. Et ce fut le sort de tous les envahisseurs de l’Afghanistan, sans aucune exception, jusqu’à Alexandre le Grand, abandonné par la chance dans les sables du Balouchistan et de l’Afghanistan au troisème siècle avant JC ».

En quoi le document du « Globe & Mail » est-il faux ? Le même commandant reconnaît une interruption radio et le regroupement de quatre corps de soldats par les talibans. Encore une fois, ne disputons la durée de cette interruption : « L’interruption des liaisons radio n’a duré que quelques minutes, lorsque le radio (le soldat portant l’émetteur-récepteur) a été tué ». Ne disputons pas non plus qui a eu accès aux dépouilles des soldats abattus. N’eut été des révélations d’un quotidien étranger, Le Globe & Mail, ces informations seraient restées lettre morte et enfouies dans les secrets d’État dont raffole si bien Nicolas Sarkozy. Surtout lorsqu’ils lui sont défavorables. Qui osera se lever et lui dire franchement que jouer avec la vérité, lorsqu’il y a des morts au champ de combats, est un geste lâche et inacceptable dans une société de droit ?

Dans une grandiloquence qui lui est coutumière, pour cacher le côté laid des choses, l’Otan déclare que le professionnalisme, l’entraînement et le niveau d’équipement des soldats français sont très élevés, ils sont dans le tableau supérieur des forces de l’OTAN. L’état-major des armées françaises avait reconnu, au début du mois de septembre, qu’un des dix soldats tués dans l’embuscade avait été tué par arme blanche. Où est la contradiction avec l’information publiée par le Globe & Mail ? La gêne de l’armée française est de reconnaître que c’est l’intervention rapide d’autres forces internationales qui a limité les pertes lors de ces combats.

Jean-Dominique Merchet, de Secret Défense, pose fort bien la problématique d’ensemble des événements en Afghanistan : « Le problème est que, depuis le début, les autorités militaires et politiques, peinent à convaincre du déroulé exact des faits et n’ont pas voulu reconnaitre quelques insuffisances criantes (absence de reco, faiblesse des appuis, etc) ».

Mesdames, messieurs les députés de l’Assemblée nationale. Qui osera se lever pour dire : « Assez c’est assez monsieur le président. Rappelons nos troupes ! Un point c’est tout  ». Qui sera assez courageux pour rappeler que, selon un sondage BVA pour Orange et L’Express, les Français sont 62% à être opposés au maintien d’une présence militaire de la France en Afghanistan et en mars, deux tiers des Français désapprouvaient la décision de Nicolas Sarkozy d’envoyer des renforts sur place ? La droite reste sourde aux appels du peuple : « Le débat du 22 septembre n’est pas de savoir si la France doit se désengager de l’Afghanistan, elle ne le doit pas, mais de définir à quelles conditions la présence de nos soldats peut contribuer à une paix durable ».

Au Québec, 39 pour cent des personnes interrogées considèrent la mission canadienne en Afghanistan comme un échec, tandis que 51 pour cent d’entre elles croient qu’il est encore trop tôt pour le déterminer. Une majorité de Canadiens pense que la mission du pays en Afghanistan est trop coûteuse, autant sur le plan financier qu’en matière de pertes de vies.

Faut-il envier la sagesse des Finlandais ? Selon les journaux finlandais Turun Sanomat et Vali-Suomen Sanomalehdet, 57 % des 1 000 personnes interrogées entre le 2 et le 11 septembre ont déclaré que la Finlande ne devrait pas entrer dans l’OTAN, alors que 23 % sont en faveur de cette initiative.

Le désengagement de l’Otan est peut-être la solution qui fera que les pays retrouveront leur indépendance des politiques extérieures des États-Unis.

Zbigniew Brzezinski, l’un des grands penseurs de la politique internationale de Washington, de passage à Paris, accordait un entretien au Monde. Il déclarait notamment : « Si les Européens croient que la politique étrangère américaine peut changer de direction de la même manière qu’un hors-bord, ils seront déçus. Elle ne peut changer que degré par degré, lentement. L’Amérique a des intérêts fondamentaux et une continuité géopolitique ».

Publié dans Révolutions

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