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LE PLAN GEITHNER

Publié le par sceptix

[Gregor Seither - IES News Service - 24/03/2009]
Dans les médias U.S., après la controverse suscitée par le plan de rachat public des actifs “toxiques” mis en place par le Secrétaire au Trésor Timothy Geithner, on note - avec surprise - que les grandes banques du pays se ruent littéralement pour acheter ces actifs sans valeur. Pourquoi les banques se précipitent-elles ainsi ? Et pourquoi les médias s’étonnent-ils ?

Alors que Geithner à réussi à mobiliser la FDIC et la Banque Fédérale, les amenant à donner encore plus d’argent public aux banques pour les “sauver”, les actions des grandes institutions comme Bank of America, Citibank… se redressent et font même remonter la cotation du Dow Jones Industrial Average ! Oui, oui, vous avez bien lu. Après 8 mois qui ont vu des centaines de milliards de dollars s’évaporer en l’espace d’une nuit, l’industrie financière continue à vouloir nous faire croire qu’elle fait partie de l’économie industrielle, celle qui fabrique quelque chose de tangible.

Mais là n’est pas la question. Ce qu’il faut se demander c’est : Pourquoi les plus gros acheteurs de ces “actions toxiques” sont ils également ceux qui ont le plus participé à la débâcle financière ? Pourquoi est-ce qu’on demande aux icebergs de venir se porter au secours du Titanic ?

Pendant des années Bank of America, Citibank, G&S ont, , été les pires fabricants de paquets d’actions pourries, encapsulant des CDO dans des FCP et ainsi de suite, jusqu’à ne plus savoir eux-même ce que valaient vraiment les produits qu’ils nous fourguaient… Pourquoi se précipitent-ils aujourd’hui pour acheter encore plus de ces produits “pourris” ? Ils devraient être les premiers à s’en méfier, non ?

C’est bien là la clé de l’énigme. De toute évidence l’Administration U.S. s’est encore une fois fait embobiner - ou alors l’a fait délibérément, ce qui ne serait pas étonnant, vu le nombre de financiers dans l’équipe Bush et Obama.

Wall Street, par le biais de son vieux copain, ancien président de la “Fed” et actuel Secrétaire d’Etat au Trésor, a encore une fois réussi à monter une arnaque qui lui permettra de se refaire grâce à l’argent des contribuables, notre argent.

Prenons un exemple : admettons qu’une banque est assise sur un paquet de CDO ( collaterised debt obligation, en français, « obligation adossée à des actifs »)  pour une valeur nominale de 10 millions de dollars US. Ce paquet d’actifs est représentatif de ce que les banques détiennent à ce jour, à savoir essentiellement des titres immobilier surévalués. Quelle est la valeur réelle de ce paquet d’actifs ?

Une récente étude de Fitch Ratings (http://www.fitchratings.com/) a démontré que 98% des “packages” de CDO qu’ils avaient examinés contenaient des actifs pourris, surévalués voire frauduleux, et ce à un très haut degré. Les vendeurs d’actions immobilières étant payés à la com’ et n’étant pas moins avides que leurs chefs, la plupart mentaient sur les capacités financières des emprunteurs à qui ils vendaient de crédits “subprime”, voire accordaient des crédits bien supérieurs à la valeur réelle de la maison et empochaient la différence.

Le résultat est que, ce paquet d’actifs qui figure dans la comptabilité de la banque pour une somme de 10 millions n’en vaut probablement que 2 millions à tout casser. La comptabilité de la banque est plombée par ces 10 millions qui n’en valent que 2. Comment s’en débarrasser ? Voici le tour de bonneteau imaginé par Geithner.

Etant donné que le gouvernement subventionne les banques proportionnellement à leurs pertes, la banque va donc encore surévaluer le paquet de CDOs (bien malin qui pourrait en vérifier la valeur réelle) et en proposer le rachat à 5 millions de dollars. Dans la pratique, des “banques amies” peuvent racheter les “produits toxiques” d’une autre.

C’est sur la base de cette valeur - inventée par les banques - que le FDIC, avec votre argent cher lecteur, va “subventionner” ce rachat des actifs toxiques. Le FDIC n’en paye que 85% de la valeur, soit 4 250 000 dollars. La banque “amie”, elle, paye les 15% restants, c’est à dire 750 000 dollars.

Vous avez compris ? En échange d’une immobilisation de 750 000 dollars, une banque purge sa compatibilité des 10 millions “pourris” et se débarrasse d’un paquet d’actifs valant au plus 2 millions. En échange, la banque “amie” reçoit du gouvernement la somme de 4 250 000 dollars… soit le double de la valeur réelle de ces actifs. En pleine crise, alors que les entreprises mettent les gens au chômage, les banques réussissent à vider leurs écuries et à nous en vendre la merde au double du prix normal…

Plus les banques détenant des actifs pourris payent pour ces produits toxiques, plus le gouvernement leur versera de l’argent au titre des 85%. La stratégie mise en place par les banques est donc de surpayer encore et encore.

C’est tout bénef pour eux : débourser 15% est un faible prix à payer pour que le gouvernement intervienne et mette 85% sur la table afin de purger votre comptabilité de la merde qui en bouchait les tuyaux.

Depuis 30 ans, Goldman Sachs et autres ont lentement mais sûrement fait leur trou dans l’Administration U.S. jusqu’à former un “arc de compétence” autour de l’équipe présidentielle. Le rideau “pro-banques” qu’ils ont tissé autour de l’exécutif U.S permet aujourd’hui d’écarter toute remise en question, le Président “pense Banque” sans même se poser de questions…

Cette stratégie est payante, on le voit encore aujourd’hui. Est-ce qu’elle sera viable à long terme ? A Wall Street on s’en fout, la seule chose qui compte c’est le cours de cloture de ce soir…

Le seul qui se fait encore une fois avoir, c’est vous, c’est nous… l’argent investi pour “sauver” le capitalisme est celui qui fera défaut quand il s’agira de financer des hopitaux, des écoles, des retraites, la sécurité sociale… ou tout simplement assurer la trésorerie d’une PME qui ne veut pas licencier…

 

La blogosphère économique américaine est en effervescence suite à l’annonce du plan proposé par Timothy Geithner consistant en un partenariat public/privé pour racheter les actifs toxiques qui plombent les bilans des banques américaines. La tonalité générale est plutôt au scepticisme mais avec quelques exceptions notables comme Brad De Long ou James Surowiecki. Pour bien comprendre ce plan et en quoi il se différencie du plan Paulson et de la nationalisation partielle des banques, il faut absolument lire ce billet de Mark Thoma et son exemple des “voitures toxiques”. Le même Mark Thoma, qui était a priori partisan d’une nationalisation partielle, ne condamne pas par ailleurs le plan Geithner et le crédite de certains aspects positifs.

Comme je l’ai dit, la plupart des économistes américains (du moins sur la blogosphère) restent sceptiques. Voir notamment ce que raconte Paul Krugman (ici, ici, , ou encore ). Sandeep Baliga souligne quant à lui le fait qu’il existe, quoiqu’il arrive, un problème irréductible de sélection adverse : quelque soit le mode de rachat des actifs toxiques (de ce point de vue, le plan Geithner et le plan Paulson reviennent au même), les banques sont de toutes façons incitées à sur-évaluer leurs actifs toxiques avec l’idée que, étant “too big to fail”, si elles ne parviennent pas à se débarraser de tous ces actifs toxiques, on les aidera d’une manière ou d’une autre plus tard. De ce point de vue, la nationalisation a l’avantage d’évacuer ce problème. On pourra rétorquer deux choses : nationaliser, même partiellement, les banques (comme la Suède en 1992) a quelques inconvénients, notamment de mettre aux manettes les agents qui ne sont pas forcément les plus compétents pour cela. D’autre part, comme l’indique Mark Thoma, le coût pour le contribuable est une chose à prendre en compte certes, mais il faut aussi voir que l’objectif de ce plan de rachat est avant tout de remettre en marche le système bancaire. Sur le long terme, cela veut dire un gain net pour tout le monde.

En tout cas, la ligne de fracture entre les Etats-Unis et l’Europe se confirme. Que ce soit sur la question des banques ou du plan de relance, il se dégage clairement deux philosophies : la philosophie “activiste” américaine, qui n’hésite pas à engager des milliards de dollars dans les politiques de relance et dans le sauvetage des banques ; la philosophie “attentiste” des européens, qui ne font pas grand chose, tant sur le plan monétaire que budgétaire. Pire, en France, on a réussi à trouver une solution bâtarde pour les banques dans laquelle il leur a été fournie une aide publique sans réelles contreparties. On a là une énigme intéressante en terme d’économie politique : la passivité européenne s’explique-t-elle par la difficulté à coordonner les actions des différents Etats ? Par le fait qu’il n’y a vraisemblablement pas d’économistes à proximité du pouvoir sarkozien ? On peut aussi arguer, comme le font le gouvernement et Jean-Claude Trichet que la plus grande importance des stabilisateurs automatiques en Europe fait qu’une relance de moins grande ampleur est nécessaire. Ce dernier argument est partiellement (seulement partiellement) valable. En revanche, le problème du système bancaire n’est pas véritablement résolu.

Edit : Arnold Kling est contre le plan Geithner et explique pourquoi de manière métaphorique par le biais du tournoi final du championnat américain de basket universitaire (c’est ce qui a attiré mon attention).

Publié dans USA

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