Guantanamo empoisonne Obama

Publié le par sceptix

Le président américain avait promis de fermer le centre de détention d’ici le 22 janvier 2010. Son ministre de la Justice vient d’annoncer que ce délai ne serait pas respecté.

14.10.2009 | Josh Gerstein
Courrier International

Des militants se sont enchaînés à la grille de la Maison-Blanche pour protester contre les prisons de Guantanamo et de Bagram (Afghanistan), Washington DC, 5 octobre 2009

Des militants se sont enchaînés à la grille de la Maison-Blanche pour protester contre les prisons de Guantanamo et de Bagram (Afghanistan), Washington DC, 5 octobre 2009



Greg Craig, le conseiller juridique de la Maison-Blanche, est en train de payer pour les retards accumulés dans la fermeture du centre de détention de Guantanamo – fixée à janvier 2010 par Obama. Il pourrait quitter le gouvernement très prochainement. Certaines sources proches du dossier estiment toutefois qu’il joue le rôle de fusible et que les responsabilités dans cette affaire sont bien plus larges. En réalité, ce serait l’accumulation d’erreurs au plan politique, législatif et administratif qui serait à l’origine de ce qui pourrait devenir l’un des échecs les plus retentissants de la présidence Obama.

La Maison-Blanche s’est d’abord trompée sur l’état d’esprit du Congrès. Elle l’a compris en mai, après le rejet par le Sénat (90 voix contre 6) de sa proposition de financement liée à la fermeture de Guantanamo. Les sénateurs se sont laissé effrayer par les cris d’orfraie des républicains sur le possible transfert de prisonniers sur le territoire américain. Elle s’est ensuite trompée sur les attentes de l’opinion publique. Près de la moitié des Américains déclarent aujourd’hui désapprouver la méthode employée par Obama. Ces chiffres révèlent une forte résistance chez les Américains qui ne veulent surtout pas de ces prisonniers chez eux.

Mais les conseillers de Barack Obama se sont particulièrement trompés sur le consensus politique qui avait émergé lors de la campagne et qu’ils ont pris pour un engagement sérieux de tout l’appareil d’Etat à faire tout ce qui serait nécessaire pour fermer Guantanamo. “Obama a pris ses fonctions en croyant bénéficier d’un large soutien au niveau national et international en faveur de la fermeture de Guantanamo”, explique Matthew Waxman, professeur de droit à Columbia. Il avait raison dans l’ensemble… Mais certains n’étaient pas prêts à accepter les coûts et les risques d’une telle décision.” Lorsque, deux jours après son investiture, Obama a apposé sa signature au bas de plusieurs décrets présidentiels concernant Guantanamo, ce n’est pas son engagement à fermer la prison qui a retenu l’attention, mais sa promesse de le faire en l’espace d’un an. Greg Craig avait soutenu cette idée et ses partisans affirment que la proclamation d’un délai était nécessaire pour convaincre les gouvernements étrangers de la détermination du président américain. Ils rappellent que Bush avait exprimé à huit reprises son désir de fermer Guantanamo qu’il a quitté la Maison-Blanche en laissant 250 détenus dans le centre.

"On ne pouvait pas se contenter de réaffirmer notre intention de fermer Guantanamo devant à la communauté internationale”, explique Ken Gude, membre du Center for American Progress, un think tank de gauche. “Il fallait fixer un délai.” Il avait suggéré un délai de dix-huit mois pour “faire les choses en douceur”. Selon lui, la seule erreur de la Maison-Blanche est d’avoir sous-estimé la résistance du Congrès. “Ils ont soumis au vote leur demande de financement pour la fermeture sans l’accompagner d’arguments et ont permis aux républicains d’en faire un problème politique, poursuit Ken Gude. Le plan de la Maison-Blanche s’est effondré comme un château de cartes."

Désormais, ce sont le conseil de sécurité national et Pete Rouse, haut conseiller du président Obama, qui sont chargés du dossier, même si le porte-parole de la Maison-Blanche, Robert Gibbs, dément toute mise à l’écart de Greg Craig. “Il y a beaucoup de gens qui travaillent sur cette question, Craig en fait partie”, souligne-t-il. L’examen des dossiers de chaque prisonnier de Guantanamo est presque terminé et 80 d’entre eux doivent être relâchés. Dan Fried, chargé du dossier pour le département d’Etat, doit à présent trouver où les envoyer. Les choses n’avancent pas vite, l’administration Obama n’a transféré que 17 prisonniers vers d’autres pays alors que l’administration Bush en avait renvoyé 19 au cours des neuf premiers mois de 2008. La Maison-Blanche met ces retards sur le compte de la désorganisation dans les dossiers des détenus, mais plusieurs anciens responsables affirment que cela n’est rien en comparaison de problèmes plus délicats, comme le transfert de détenus sur le sol américain. “Ces questions ont été négligées. Or ce sont celles qui sont les plus compliquées à régler”, conclut Matthew Waxman.

Publié dans USA

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