La révolution raisonable (Attali)

Publié le par sceptix

Jacques Attali

 

  Pendant qu’augmente le nombre de gens souffrant de la faim dans le monde (dont l’essentiel est   en Inde, en Chine, et en Afrique), les paysans d’Europe, et en particulier ceux de France, déversent leurs excédents sur les routes pour attirer l’attention sur la faillite qui les guette.

A priori,  les intérêts des uns et des autres semblent totalement contradictoires : les paysans des pays riches veulent continuer à etre subventionnés (300 milliards d’euros par an) pour produire et exporter, pendant que  ceux    des pays pauvres, abandonnés à eux-mêmes, n’arrivent pas à écouler   leurs maigres productions et   constituent les deux tiers du milliard de gens souffrant aujourd’hui de la faim.

 Seules les rassemblent  la crise économique (qui fait baisser les prix et les revenus de tous) et la crise écologique (qui  diminue partout les rendements agricoles).

  Pourtant, à terme, leurs intérêts sont convergents, car  ils vont devoir répondre ensemble à la formidable croissance  à venir de  la demande mondiale de produits agricoles   : la population de la planète augmentant d’un tiers d’ici à 2050, il faudra augmenter d’au moins autant la production agricole. Et même de  beaucoup plus, car  la croissance économique  conduira à augmenter plus que proportionnellement la demande  de viande et donc à produire   d’avantage  de  végétaux pour  nourrir les animaux ( il faut 4   calories  végétales  pour produire 1 calorie  de  porc  et  11  pour une calorie de  bœuf ou de mouton). Et comme  il faudra ajouter  à cela les besoins de production végétale  pour les agro carburants, il faudra au total,   plus que doubler la production agricole mondiale.

Pour y parvenir,  on ne pourra pas extrapoler les méthodes actuelles :   il faudrait  en effet   doubler  les surfaces cultivées (1,5 milliard d'hectares aujourd’hui, soit  10 % des terres émergées) et intensifier,  par les engrais,   les  modes de production ;  avec,  dans les deux cas,  des conséquences  désastreuses sur la qualité des  sols et la santé des gens.

 Il faudra donc, pour survivre,  se lancer dans une véritable révolution raisonnable, à laquelle tout le monde aurait à gagner :

·                 D’abord,  dans les pays riches,  se nourrir autrement, réduisant les calories consommées (de 4000 à 3000 par jour),  et en particulier celles d’origine animale (de 1000 à 500), ce qui permettrait  aussi de réduire l’obésité,  dont les plus pauvres sont les principales victimes.

·                 Puis, dans les pays en développement,   produire autrement : une meilleure formation des paysans, un renforcement de leurs droits de propriété, leur regroupement coopératif, une résistance crédible à la déforestation et à la généralisation de l’usage des engrais les plus nocifs, une incitation à  développer des cultures vivrières plutôt qu'exportatrices et à une meilleure gestion de l’eau,  une amélioration génétique et  un usage  raisonnable des biotechnologies les mieux assurées.  

·                 Enfin,    organiser autrement les marchés mondiaux,   en se donnant les moyens de stabiliser  durablement les  prix,  pour permettre aux paysans d’investir sans craindre des évolutions ruineuses des cours.

  Cette  révolution est nécessaire. Elle est à notre portée, politiquement et financièrement. Si elle est  bien conduite, elle peut faire du  monde le jardin dont,  depuis l’aube des temps,   rêve l’humanité. 

 j@attali.com
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D
<br /> La production végétale pour les agrocarburants et les engrais chimiques sont une hérésie écologique et humaine. Ce sont les trusts alimentaires et chimiques qui font des profits et non les<br /> agriculteurs qui gagnent de 600 à 1000 euro par mois. Les député se sont prononcés contre les OGM et sarko a fait passer le projet de force par un petit comité de sénateurs.<br /> <br /> <br />
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S
<br /> Tout à fait d'accord, les agrocarburants sont une hérésie, mais je crains que nous y arrivions les états achètent des terres agricoles partout où ils le peuvent ! Les petits agriculteurs sont<br /> condamnés au profit de l'industrie agro-alimentaire. Quant aux OGM, l'OMC finira bien par obliger l'europe à en accepter les cultures, il faut savoir que l'europe paie des amendes pour contrevenir<br /> aux règles de l'OMC. Fillon annonce à l'instant un plan pour l'agriculture, nous verrons de quoi il s'agit mais je n'ai aucune confiance dans ce gouvernement.<br /> <br /> <br />